Si le football est né en Angleterre, il s’est très vite développé, au fur et à mesure de l’accélération des échanges, dans le monde entier. C’est tout naturellement qu’en 1930, la première Coupe du Monde de l’histoire a eu lieu en Uruguay, pays double vainqueur des Jeux Olympiques auparavant. Et la première finale de l’histoire oppose l’Argentine au pays hôte. Quatre ans plus tard, en Italie, l’hôte s’imposera à nouveau, mais cette fois-ci face à la Tchécoslovaquie. En lien, un homme : Luis Monti. Histoire de ce défenseur hors-pair.
Luis Monti, l’argentin
Luis Felipe Monti voit le jour au tout début du siècle, le 15 mai 1901, à Escobar, une partido de Buenos Aires, la capitale argentine. A l’époque, l’Argentine n’est pas encore un pays comptant réellement dans les relations internationales. L’indépendance est certes effective depuis bien longtemps, mais les acteurs politiques se cherchent. Les anglais commercent et apportent avec eux des ballons de cuir. Alors dans la rue, sur les fameux potreros qui à l’époque n’étaient pas espèce en voie d’extinction, Luis Monti commence à taquiner le cuir comme beaucoup de jeunes de son âge. Seulement, il a un talent. Il lit magnifiquement le jeu, et est capable de voir à grande distance les espaces.
C’est tout naturellement qu’au détour des années 20, il s’engage avec le Club Atlético Huracán, nouvellement créé dans les faubourgs de Buenos Aires. Le club évolue alors dans le championnat d’Argentine amateur. Et en 1921, Luis Monti fait ses débuts en pro avec le futur club d’Osvaldo Ardiles. Il remporte dès sa première saison le championnat plus la Copa Aldao, ou Campeonato Rioplatense. Luis Monti évolue alors dans un poste aujourd’hui disparu, à la fois entre la défense et le milieu de terrain, et où sa vision du jeu fait des merveilles. Mais son expérience avec Huracán va rapidement prendre fin.
En 1922, il signe donc chez Boca Juniors. Mais l’aventure tourne court, la faute à des blessures récurrentes. Et avant même d’avoir porté une seule fois le maillot des Xeneizes, Luis Monti s’en va chez le plus grand rival d’Huracán, le San Lorenzo.
Pape du football
Sous le maillot du San Lorenzo, il marque réellement les esprits. Puissant offensivement, il s’impose comme un titulaire indiscutable dans le 2-3-5 en vogue à l’époque, en pointe basse du trident de milieu de terrain. Luisito gagne alors le surnom de doble ancho, combleur d’espaces vides, tant sa faculté à comprendre le jeu est grande. En même temps, il commence à faire ses classes en équipe nationale d’Argentine. Avec l’Albiceleste, il remporte la Coupe Lipton en 1928 et la Coupe Newton trois fois, toutes face à l’Argentine.
Et surtout, il dispute le mondial de 1930. Dans ce duel fratricide qui se joue en finale, Luis Monti est apeuré. Il a en effet reçu de nombreuses menaces de mort avant la partie, et a peur, lui le « défenseur le plus brutal et méchant que le football mondial ait connu », dixit l’Équipe, de blesser un adversaire. Et presque logiquement, l’Uruguay va s’imposer en finale de ce mondial face au voisin. Heureusement, diront certains.
Après ce mondial, Luis Monti quitte l’Argentine. Avec le maillot du Huracán, il aura marqué à quarante reprises en seulement deux-cent-deux apparitions. Encore aujourd’hui, il est considéré comme une des premières légendes du club. Sa destination ? La patrie de ses ancêtres, l’Italie. Et quel autre club que la vecchia dama, la Juventus de Turin, pour lui servir d’hôte ? En 1931, il dispute son premier match dans une compétition aujourd’hui disparue, la Coupe d’Europe Centrale, ou coupe Mitropa. Il y atteindra d’ailleurs quatre années consécutive, de 1932 à 1935, les demi-finales de cet ancêtre de la Coupe des Clubs Champions Européens. Cette Juventus prend le contrôle du football dans la botte, et cette génération gagne le nom de Quinquennio d’Oro.
Oriundo
Et, comme son nom le laisse présager, Luis Monti est d’origine italienne. Or, il existe un phénomène bien connu qu’est celui des oriundi – oriundo au singulier. Il s’agit des italiens d’origine vivant dans un pays étranger. Et les italiens donnent donc à la pelle la nationalité aux personnes ayant des origines italiennes. Et dans les années 1930, la réglementation de la FIFA autorise un joueur à évoluer pour deux pays dont il possède la nationalité. Luis Monti, détenteur de la nationalité italienne, jouant en Italie, va bien évidemment être approché par la Squadra Azzura. Et c’est tout naturellement qu’il choisit donc d’honorer le maillot italien en 1932, un an seulement après avoir disputé une finale de mondial avec l’Argentine. Luis va donc représenter l’Italie au cours du mondial 1934. Un mondial où l’Italie ira en finale.
Au cours de cette compétition, Luis Monti va gagner le surnom du « boucher ». En effet, extrêmement dur sur l’homme, il blesse successivement au cours de la compétition Irragori, Bosch, Chacho et Sindelar. Le tout sans prendre un seul carton rouge. Grâce aux performances de son central, l’Italie, dans un mondial marqué par la montée du fascisme, va s’imposer en finale. Luis Monti devient ainsi le seul joueur à avoir disputé une finale de Coupe du Monde avec deux équipes nationales.
Et en 1938, après quatre championnats d’Italie et une coupe nationale, il prend sa retraite de footballeur. « L’uomo che cammina », l’homme qui marche, aura disputé près de 225 matchs avec la Juventus. Durant la guerre, il deviendra entraîneur, notamment de la Juve dans les années 40, avec laquelle il remportera une Coupe d’Italie. Luis Monti s’éteindra paisiblement le 9 septembre 1983, âgé de 82 ans, dans sa ville natale, Buenos Aires.