La polémique a été forte ces derniers temps. L’Équipe, principal quotidien sportif français, a été accusé de ne pas défendre le Paris Saint-Germain. Tout en étant d’autre part sujet aux critiques pour une supposée accointance avec l’équipe francilienne. En France, le débat fait rage : alors posons nous la question. Les médias doivent-ils défendre les équipes françaises ? Est-ce leur rôle de se positionner en soutien des équipes – principalement de football – de leur pays ?

L’exception française

Le rôle du média sportif en France est tout à fait particulier. En effet, contrairement à la Grande-Bretagne qui compte plusieurs quotidiens traitant longuement de sports, à l’Espagne avec AS et Marca pour ne citer qu’eux, à l’Italie ou à l’Allemagne qui jouent dans la même cour, la France ne possède qu’un seul quotidien majeur de sport. En plus, ce quotidien est multisport. Et ce même si la part du lion est taillée pour le football, comme le montre la répartition des Unes. Le phénomène de quasi-monopole de l’Équipe est connu et bien documenté. Il est, pour faire simple, lié à la fois à une stratégie cohérente et à la culture française. Mais cela n’est pas aujourd’hui le sujet de notre réflexion.

Le fait principal est qu’en France, l’opinion publique considère qu’il faut supporter les équipes françaises en Coupe d’Europe. Ainsi, un lyonnais devrait souhaiter des épopées stéphanoises dignes du millénaire passé en Ligue Europa, ou un parisien un remake de 93 pour l’OM. C’est en soi quelque chose d’assez incohérent mais qui pourtant est dans la culture populaire. A titre personnel, j’ai déjà été critiqué pour ne pas avoir apporté mon soutien au Paris SG par exemple lors de l’élimination de l’an passé face au FC Barcelone. Soit. Mais je connaît assez peu de supporters du Real de Madrid souhaitant voir l’Atletico en finale de Coupe d’Europe. Ou même de membres des hinchas de Boca Juniors voulant voir Gallardo sur le toit de l’Amérique du sud.

Il faut ensuite comprendre le rôle que joue cette duplicité de l’unicité du média et du soutien obligatoire aux équipes françaises. Elle induit que l’Équipe – puisque c’est le média visé – doit être totalement pro-français… sans en même temps en faire trop. On a un peu l’impression d’être en Charybde et Scylla.

Paris, le fleuron

Partant de ce constat, il est donc tout à fait logique que les quotidiens français supportent le Paris SG. Tout en sachant quand même quand il le faut les détruire. Parce que le supporter de football français est illogique. En effet, théoriquement, il faut supporter Paris en Ligue des Champions. Mais en même temps, il est bienvenu d’envoyer des boutades à l’encontre de leurs éliminations successives en quart-de-finale… et au fameux match retour de Barcelone. Et comme en plus toute l’Europe du football ne pensait qu’à une remontada avant le match retour, eh bien le quotidien sportif français d’emboîter le pas. Mais si ce n’était qu’à propos de ce match…

Le Paris Saint-Germain fait vendre. Les médias ont tout intérêt à ce que nombre de leurs émissions, nombre de leurs pages, soient consacrées à l’actualité du club de la capitale. L’Équipe ne fait pas exception. Et forcément, quand on parle beaucoup d’un sujet, on a trois possibilités :

  1. Être absolument élogieux au propos dudit sujet. Dans ce cas, l’Équipe serait obligée de faire fusion avec Le Parisien Sports. C’est donc normal de ne pas choisir cette voie-là.
  2. Être absolument critique au propos dudit sujet. Dans ce cas, le quotidien sportif n’aurait d’autre choix que de mettre la clé sous la porte… ou alors de faire fusion avec Le Phocéen, si l’on pense qu’il existe une rivalité entre Paris et Marseille.
  3. Troisième et dernière hypothèse.  Être parfois élogieux – pour faire vendre à Paris -, et parfois extrêmement critique – pour faire vendre à Lyon, Marseille et Tourcoing. C’est la solution à mon sens la plus efficace, et c’est celle qui a été retenue.

Que faire ?

Alors que faire ? Que faire ? Dans tous les cas, il y aura des critiques. Des critiques de la part de ceux qui jugeront que le quotidien sportif français ne supporte pas assez le PSG. D’autres trouvant au contraire que la localisation à Paris du siège du journal n’est pas que géographique. En bref, la ligne éditoriale ne plaira jamais à tous. Jamais. Et c’est pour cela que je vous propose de trouver ci-dessous la fin de l’édito publié le 10 février par le directeur adjoint de la rédaction de l’Equipe. Il est à mon sens très pertinent.

En France, pays jacobin, encore fortement centralisé, L’Équipe ne peut pas se permettre de rouler ouvertement pour le PSG sans provoquer la furie de nombreux lecteurs, internautes, téléspectateurs marseillais, lyonnais, stéphanois ou sochaliens. […]

Venez mercredi et jeudi dans les locaux de L’Équipe et vous verrez si nos journalistes ne sont pas capables de s’enflammer quand, on l’espère, Neymar, Fekir, Balotelli ou Mitroglou […] trouveront le chemin des filets.

Reste qu’au moment d’écrire leurs articles […], en tribune de presse ou à notre siège de Boulogne, nos reporters auront retrouvé un minimum de distance, […] un maximum de lucidité pour vous proposer des analyses et comptes rendus qui ne prétendent pas à l’objectivité absolue, mais à la passion. Et à l’honnêteté. Ce qui n’empêche pas parfois de se tromper. Ici, c’est L’Équipe.

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