L’histoire du football polonais est riche de joueurs plus ou moins connus. Bien sûr, il y a l’actuel président de la fédération Zbigniew Boniek, bien sûr il y a l’inévitable Robert Lewandowski. Mais d’autres ne connaissent pas la même renommée à l’ouest. Parmi eux, on trouve par exemple Kazimierz Deyna, le génie au pieds d’or, mort trop tôt. Et puis il y a Władysław Żmuda. Retour sur sa carrière.

Władysław Żmuda, le talent est inné

Władysław Żmuda (prononcer « Vouadiswave Jmouda ») voit le jour dans une Pologne encore engoncée dans le glacis défensif de l’URSS, le 6 juin 1954. Le premier secrétaire du parti est alors Bolesław Bierut. La Pologne est marquée par les stigmates de la guerre et souffre sous le joug communiste. Et le football est bien loin dans les préoccupations des dirigeants, qui préfèrent institutionnaliser le concept de dictature du prolétariat. Et ce pour le plus grand malheur du peuple polonais, première victime des guerres, premier oublié des paix. Mais ce gamin s’en fout complètement de la politique quand il a douze ans et s’engage au RKS Motor Lublin. Tranquillement, comme un enfant de son âge n’importe où dans un pays développé, il joue au football. Et passe six années à disputer des matchs avec les jaunes et bleus.

Au bout de ces six années de football, son talent éclate au grand jour. Il n’a pas encore débuté en pro qu’à l’été 1972, le Gwardia Warszawa le recrute. Władysław Żmuda fait quasiment immédiatement ses débuts en équipe première, et s’impose en une saison comme un titulaire indiscutable de l’équipe. En parallèle, il négocie plus ou moins pour ne pas avoir un service militaire trop contraignant footballistiquement parlant. Dès sa première saison, il termine sur la troisième marche du podium. Et découvre donc la Coupe UEFA la saison suivante. L’aventure ne serait pas vraiment une franche réussite : deux petits tours et les harpagony repartent à Varsovie. Après trente-quatre matchs en un peu moins de deux ans, le constat est flagrant. Le défenseur d’un mètre quatre-vingt-sept est extrêmement talentueux. Pas un hasard s’il a fêté sa première sélection en 1973.

Viser la lune

Ses ambitions montantes, Władysław Żmuda part en 1974 au Śląsk Wrocław. Chez les Wojskowi (Les militaires en VF), il remporte son premier titre avec une belle coupe de Pologne 1976. Et en basse-Silésie, les titres vont s’enchaîner. Car la saison suivante, il va remporter le championnat. On est en 1977, la Coupe du Monde arrive l’été suivant. Władysław Żmuda sait qu’il va pouvoir la disputer avec la Pologne. En effet, il était déjà apparu à sept reprises dans l’équipe troisième du mondial 1974. Talentueux, solide, le port de balle altier, il sait qu’il doit être à son meilleur niveau pour le mondial. Żmuda, récent finaliste des JO 76, ne veut pas prendre de risques. Il décide de prolonger l’aventure avec les Wojskowi. Entre temps, il marque son premier but en sélection. Nous passerons rapidement sur les résultats de la Pologne dans la compétition.

Lors des deux saisons suivantes, il ne remporte aucun titre. Alors il signe en 1980 au Widzew Łódź, qui est aujourd’hui descendu aux enfers, en quatrième division. Le pari est payant puisque Władysław Żmuda termine champion une nouvelle fois en 1981 et une autre en 1982, et s’en va disputer un troisième mondial. Mais là encore, la Pologne échouera en demi-finale, et se contentera d’une troisième place. Cependant, ce mondial marque celui d’un changement de statut pour lui, puisqu’il y porte le brassard de capitaine. Il est alors considéré comme le véritable trait d’union entre les jeunes générations ambitieuses et les plus âgées et plus expérimentées. Et celui qui huit ans plus tôt avait été élu meilleur jeune du mondial bénéficie d’une exception pour quitter la Pologne. Le communisme s’est assoupli, Solidarność émerge, Lech Wałęsa gagne en notoriété.

Direction l’Ouest

Władysław Żmuda quitte donc la Pologne à l’été 1982.  Il est un joueur majeur, aussi bien en club qu’en sélection, et son niveau ne fait aucun doute. Et Żmuda a vingt-huit ans, et est donc complètement dans la force de l’âge. Logiquement, de nombreux clubs s’intéressent à son profil. Et à l’époque, c’est le championnat italien qui attire tous les regards. Un club ambitieux, le Hellas de Vérone, emporte le dossier.

Mais Władysław Żmuda ne connaîtra pas une très belle réussite pour sa première saison. La charnière formée par Roberto Tricella et Luciano Marangon est impeccable, et le Hellas finit quatrième et finaliste de la coupe. Mais, dur au mal, Władysław Żmuda s’accroche. La seconde saison sera encore plus dure, aussi bien collectivement qu’individuellement. Le club termine huitième, et échoue encore une fois en finale de la Coupe d’Italie. Władysław ne joue quasiment pas de la saison. Et il sait qu’il doit partir pour jouer le mondial de 1986. Mais peu d’offres se présentent. Voir Vérone et mourir, au moins footballistiquement.

C’est finalement aux États-Unis que Władysław Żmuda atterrit. Il a la lourde charge de prendre la succession de Kaiser Franz, Beckenbauer ayant quitté le club à l’intersaison. Mais là non plus, Żmuda ne retrouvera pas le niveau qui était le sien quand il évoluait au Widzem, au Gwardia ou au Śląsk. Sa saison américaine ne le voit apparaître que quatre fois sous le maillot des Cosmos. Dans l’optique de la Coupe du Monde, l’échéance approchant sensiblement, il se doit de jouer. La solution n’est donc pas américaine. Et une nouvelle fois, le départ est solution.

Pianissimo

Malgré son relatif échec à Vérone, l’Italie avait bien plu à Władysław Żmuda. C’est donc à nouveau dans la botte qu’il retourne. Mais cela sera un club moins ambitieux qui retiendra son ambition, l’US Cremonese. S’il joue, il n’arrive pas à faire échapper à son club la relégation en Série B italienne. Heureusement, il continue d’évoluer en sélection, et marque le 17 avril 1985 son deuxième et dernier but avec les aigles polonais, contre la Finlande. Et dans sa seconde saison italienne, si ses performances sont en baisse, il parvient à assurer sa place pour le mondial 86, durant lequel il ne disputera qu’un seul match. La troisième saison à Cremonese est mauvaise, Żmuda ne joue presque plus et semble grillé. A trente-trois ans, après quatre-vingt-six sélections dans une des plus belles Pologne de l’histoire, il décide de mettre fin à sa carrière. Dans l’ombre.

Alors comme beaucoup, Żmuda décide de se reconvertir… tout en restant dans le football. Il entame des formations diverse, et en plus d’un diplôme de l’Académie d’éducation physique à Wrocław, il devient titulaire d’un diplôme de l’école internationale des entraîneurs en Italie. En 2009, il prend la tête des U16 polonais. Cette expérience, courte, sera sa seule en tant qu’entraîneur. Et aujourd’hui, domicilié à nouveau dans la patrie de Tadeusz Kościuszko, il coule des jours heureux. Et n’est jamais très loin quand on parle de football. Rendons donc à Władysław ce qui lui appartient, en n’omettant pas de le citer lorsque l’on parle des très grands joueurs de l’histoire du football polonais. Car il mérite une très belle place. Zapominasz szybciej niż się uczysz.

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