Le big-5 européen, une notion bien souvent mentionnée dans les analyses spécialisées d’opérateurs extérieurs au football (ou non). Et que ce soit Deloitte ou le désormais célèbre CIES, tous ont fait de cet outil un élément qui sépare l’élite du football européen et les autres. Mais d’où vient cette différenciation ? Et pourquoi est-elle déterminante ? C’est ce que nous allons essayer de voir.
Les big-5 des points UEFA ?
Lorsqu’il s’agit de comparer l’élite des championnats européens, le réflexe naturel des supporters de football serait de se tourner vers le classement UEFA des championnats. Cet outil qui compile les résultats des représentants de chaque pays sur les 5 saisons révolues est désormais un modèle du genre et est utilisé comme référence. Cependant, il faut convenir d’une chose. Si le classement UEFA fait date, c’est parce qu’il représente le bilan des équipes au sein des deux compétitions de référence continentales. Mais penser que le classement UEFA représente la force d’un championnat serait juger un championnat uniquement à l’aune de son élite, ce qui très souvent peut s’avérer trompeur sur des championnats comme la Turquie, la Russie. Voire désormais le Portugal où le niveau de l’élite est considérablement plus élevé que le niveau global du championnat. Il suffit de regarder les écarts de points pour se convaincre.
Qu’est-ce que le classement UEFA nous apprend ? On constate qu’un groupe de quatre s’est formé comme une micro élite. Mais parler de big-4 UEFA serait un non-sens au vu des écarts aux autres fédérations. En réalité contrairement à ce que l’on pourrait penser, au niveau du classement UEFA il s’agit beaucoup plus d’un big-7 ou de l’Espagne et d’un big-6 si on souhaite être plus précis. Ainsi le big-5 dont parle le CIES dans ses études n’a rien à voir avec les performances en UEFA. Et s’il fallait encore plus appuyer ce constat il suffit de se rappeler du bilan famélique des anglais depuis quelques années pour se convaincre que si le roi des championnat fait bien partie du big-5, c’est que le critère porte sur autre chose.
Un instrument d’analyse
Ainsi, dans les grands critiques de la notion du big-5 en France, on trouve une partie des amateurs de foot qui jugent que le classement de la formation « au sein du big-5 » est biaisé. Et que ce big-5 est fictif qu’il ne correspond pas à la réalité car la France est présentée comme faisant partie du big-5 sans en mériter réellement l’appartenance. Et que donc la position de nos clubs dans le sommet du classement dont certains sur le podium depuis une demi-douzaine d’années est une escroquerie : après tout, n’étions-nous pas derrière le Portugal il y a peu ?
Mais quiconque qui pousserait la réflexion un peu plus loin que l’extrémité de son maillot de supporter comprendrait très vite que l’outil d’analyse que représente le big-5 est bien moins subtil que les savants calculs de l’UEFA à base de coefficient de pays et autres joyeusetés inventées pour que les gros championnats soient autosuffisants et protégés de leur propres turpitude. Ainsi un club engagé gagne systématiquement des points liés au coefficient de son pays quelque soit sa performance, de sorte que les gros championnats soient protégés. Sauf quand on est la Ligue 1 et qu’on passe 10 ans à sacrifier la petite coupe d’Europe, ironie d’un déclassement impossible sur le papier et imprévisible (longtemps 2e avant d’être déclassé en 4e place pour être durablement dépassé par l’Allemagne dans la fin des années 2010).
En effet, la notion de big-5 permet de séparer l’ensemble des clubs UEFA en deux sous-groupes et donc d’affiner l’analyse. De la même façon que traiter de la question du footballeur en englobant toutes les ligues de la Ligue 1 au district nous donne un panel pertinent à l’échelle des licenciés mais n’est pas un bon outil d’analyse pour étudier la fiscalité du football par exemple. Le big-5 n’a donc jamais eu la prétention de juger de la qualité d’un championnat, de son attractivité ou de son coefficient de spectacularité mais d’être le bon échantillon pour analyser des problématiques de l’économie du foot en séparant deux grands types de ligues.
Une question d’argent
Il s’agit tout simplement de juger des faits footballistiques par le prisme du pouvoir économique d’une ligue. Et les experts du CIES jugent pertinent de séparer le big-5 du reste par la différence des moyens financiers entre ces 5 ligues et le reste.
Faisons donc nous-mêmes notre propre opinion avec les revenus de 2016 des ligues européennes ( et 2015 pour certains championnats plus modestes faute de données fiables pour 2016). Il s’agit ici donc de tous les revenus qu’ont perçu l’ensemble des clubs des ligues concernées.
On peut constater qu’il y a clairement un net écart entre les 5 premiers et le reste des championnats. Voir même que les secondes divisions de certains pays sont devant des championnats de première division européens qui pourtant performent en coupe d’Europe (et que la Ligue 2 est plus riche que la Segunda División espagnole mais on y reviendra quand on parlera droits TV dans un autre article).
Notion imparfaite ?
Cependant la notion de big-5 semble plus déséquilibrée qu’à une époque avec l’explosion des droits TV mais aussi l’internationalisation des clubs. En effet on peut voir que la Premier League et la Bundesliga sont chacuns à part (dans l’attente de l’appel d’offre Espagnole sur les droits TV). Et qu’on a un groupe de trois derrière les deux ogres financiers. Et si l’écart entre le big-5 et le reste est important, l’écart au sein du big-5 est aussi conséquent. Alors, comment le big-5 peut-il rester un outil pertinent ?
En fusionnant toutes les recettes d’une fédération on peut constater alors la vraie différence entre les pays du big-5 et le reste. Même si l’Angleterre reste deux à trois fois plus riches que beaucoup au sein du big-5, les fédérations qui en font partie ont atteint une taille critique. Un écart important entre eux et 90% des championnats européens. Le big-5, c’est le 1% du football mondial (le Brésil était à 960M, la MLS à 760M donc le constat reste vrai même en incluant le reste des ligues importantes mondiales: J-League, Liga MX, Primera). Séparer le big-5 du reste des clubs, c’est séparer les championnats qui présentent un particularisme tellement forts que cela fausserait les analyses. Mais aussi cela installe la notion d’élite économique qui est importante dans le foot business (une des industries les plus libérales au monde, à l’inverse des ligues fermées) et qui sert de vecteur d’analyse pour les institutions qui utilisent ce référentiel.