The Best (Le meilleur). Quel humour quand même de la FIFA de se proclamer seule juge pour juger quel est le meilleur joueur… Billet aujourd’hui sur l’aberration qu’est l’attribution de donner des récompenses individuelles dans un sport collectif comme le football.
La bombe est larguée
La première chose qui tue le foot, c’est son individualisation. Avant, disent les anciens, on ne savait pas qui était qui. C’est d’ailleurs l’origine du « gooooooooooooooooooooooooool » des commentateurs sud-américains : le temps de savoir qui est le buteur. Bon. Partant de ce constat, on a progressé depuis. En effet, l’introduction des numéros de maillot a représenté un progrès dans l’individualisation du football. Au point que certains ont envisagé de faire la grève des numéros. Mais pendant des décennies, même un Jean Nicolas n’avait pas beaucoup d’exposition, même parmi les supporters de son club. Tout au plus les défenses adverses remarquaient-elles que le meilleur buteur évoluait dans l’équipe adverse. Mais avec l’expansion des médias, l’on est petit à petit arrivé à la personnalisation des joueurs. D’abord avec les célébrations de but, puis avec les interviews, les statuts dans la presse…
Mais la bombe est larguée. On ne pourra pas revenir là-dessus, et peut-être est-ce tant mieux : tant qu’à regarder le football, autant savoir qui l’on regarde, qui l’on aime, qui l’on adule. En fait, le réel tort de l’individualisation, c’est d’enlever le collectif. En effet, avec l’explosion des trophées, d’abord de meilleur buteur – et ce dès le début du championnat de France par exemple – et plus récemment de meilleur passeur – depuis 2004 en Ligue 1 -, les performances d’un joueur ont été particulièrement suivies.
Sans rappeler qu’il était plus facile pour Julian Draxler d’offrir des caviars à des attaquants de classe comme Cavani, Neymar ou Pastore que pour Romain Thomas de servir Karl Toko-Ekambi. C’est ce qui tue dans un premier temps le football : oublier que les stats individuelles ne sont que l’exclamation d’un collectif. Même si bien sûr les meilleurs resteront toujours au dessus du lot de leur équipe – même entouré d’amateurs, Benzema restera un des trois meilleurs numéro neuf au monde.
A croire que la télé commande…
Et aujourd’hui, la presse ne peut s’empêcher après chaque match de donner une note à chaque joueur. Mais au moins, cette note n’est pas objective et c’est assumé. Cependant, je m’insurge contre la nouvelle mode qui consiste à juger les joueurs en fonction de statistiques triviales. Autant une note donnée par Whoscored calculée en fonction du collectif et de divers aspects est intéressante. Autant l’indice de performance, la nouveauté de Canal+, ne peut convenir qu’aux ignares du football.
Reprenons l’explication donnée par mon ami Stéphane Guy : « C’est un indice calculé à partir de diverses statistiques en fonction du joueur ». Autant dire un joli tissu de foutaises. Déjà que noter un joueur à partir de statistiques sans tenir compte d’un contexte global est incompréhensible. Mais là, noter grâce à je ne sais quel algorithme inexpliqué… Il vaudrait encore mieux donner la possibilité au public de voter pour les joueurs, au moins, la subjectivité serait affirmée.
Mais surtout, la télé, les différents opus FIFA et a peu près tous les journaux veulent à chaque match élire un homme du match. Comme s’il était forcément obligé d’avoir un meilleur joueur. Toujours, même un match insipide, verra un meilleur joueur. Mais vaut-il mieux être le meilleur joueur d’un triste 0-0 entre Nantes et Lyon ou le pire joueur du 6-1 infligé par le Barça au club de Saint-Germain-en-Laye ? Un supporter parisien ou lyonnais n’auront pas le même avis. Mais le football en tant que sport beau préfère avoir un mauvais joueur dans un très bon match qu’un génie dans les cendres. Car ce qui fait rimer football avec ras-le-bol n’est que la tristesse. Tandis que ce qui associe à football symbole, c’est l’amour que l’on lui porte.
Résumons les points jusqu’ici abordé : vouloir toujours désigner un meilleur joueur est une absurdité. Car le football n’est qu’un sport d’équipe. Ou alors je vous prierais d’arrêter la lecture de cet article à ce point, et de venir exprimer votre haine dans les commentaires, car nous ne partageons pas la même conception de la vie.
Tout perdu au change…
Dorénavant, réjouissons nous : nous avons deux trophées du meilleur joueur au monde. L’antique BALLON D’OR France Football et le nouveau FIFA – THE BEST. Deux illuminations faites pour le business. Car si l’on doit distinguer le meilleur joueur du monde, tout le monde devrait arriver à un consensus. Sinon, c’est qu’il y a un écart trop faible pour que les écarts entre talents individuels puissent suffisamment paraître importants. Admettons cependant que l’on puisse en définir un. Alors dans ce cas, les joueurs devraient tous avoir un vote relativement proche.
En première position viendrait soit Cristiano Ronaldo, soit Lionel Messi. Et en deuxième position celui que vous avez délaissé dans un premier temps. Quand on regarde les votes, ce n’est pas le cas. On peut donc en déduire une certaine mauvaise fois par exemple de la part de Ronaldo et de Messi dans chacun de leurs votes. Et même pour la troisième place, il n’y a pas de réelle unanimité. Qui mettre ? Gigi Buffon pour sa carrière ? Neuer pour son niveau global sur les dernières années ? Luka Modric, le diamant croate ? Ou alors de l’exotisme avec Dani Carvajal, Andres Iniesta ou Lucho Suarez ? Tout nous montre qu’on ne peut effectuer un classement ; il n’est qu’artificiel.
Enfin, rappelons que souvent, le meilleur joueur désigné est un attaquant. Un seul gardien ballon d’or, l’immense Lev Yashin. Pas de défenseur depuis 2006 sur la première marche. Le football actuel se résume-t-il aux attaquants ? Je ne crois pas… Alors, quelle conclusion tirer ? Je ne vous oblige pas à partager la mienne, mais pour moins, The Best (Le meilleur), c’est des foutaises… Car le football est ce qui vous fait vibrer. Et le joueur m’ayant le plus fait vibrer l’an passé n’est même pas dans les joueurs cités…