Le football n’est pas qu’une affaire de terrain. C’est aussi une affaire de tribunes. Et parmi ces tribunes, certaines se distinguent par leur activité. L’une d’entre elles, la plus chaude d’Europe sans doute, se trouve en Pologne. Zoom illustré sur la brûlante żyleta du Legia Varsovie. Za miłość do piłki nożnej.
La naissance d’une tradition
Le Legia de Varsovie, plus grand club de Pologne, évolue depuis bien longtemps dans le Stade de l’Armée Polonaise de Varsovie. Dans ce stade, une tribune, au nord, regroupe les supporters les plus fanatiques du club Rouge-Blanc-Vert. Cette tribune, construite dans les années 30, n’a pourtant pas toujours été affublée du surnom de « żyleta ». Ce n’est que dans les années 70 que le virage nord a pris ce nom. En effet, à cette période, une énorme affiche pour des lames de rasoir était placée en plein dans le centre de la tribune. La publicité y restera jusqu’en 1995. Et vous n’êtes pas sans savoir qu’en polonais, « żyleta » signifie « lame de rasoir ». D’où la naissance du nom. Et bien après que l’affiche ait été retirée, le nom de cette tribune reste encore dans tous les esprits.
A l’origine, le nom ne désignait que la partie centrale du virage. Mais avec les rénovations de 2008-2011 et l’afflux croissant de supporters voulant se loger avec les fans de la żyleta, le terme fait désormais référence au virage entier. L’histoire de la tribune est bien plus longue, en fait, que l’histoire de la żyleta elle-même. Mais le Josef Pilsudski (autre nom du stade) ne l’oublie pas. En effet, depuis les rénovations, dans le musée du Legia Varsovie, une exposition permanente en l’honneur de l’ancienne żyleta est présente. Elle rappelle aux badauds l’histoire de ce virage connu par toute l’Europe, connu comme une référence internationale. En fait, cette tribune est plus qu’un simple virage : elle a une âme.
Zyleta, mon amour
L’âme de la tribune est entretenue par les supporters. Le terme « żyleta » réfère désormais à ce fanatisme jusqu’à la mort que peuvent entretenir les supporters du Legia avec leur club. Le code de conduite officieux du virage spécifie d’ailleurs qu’il est absolument interdit d’arrêter de supporter le Legia au cours d’une rencontre, d’arrêter de chanter pour quelque raison que ce soit. Et malgré le fait que la tribune aie souvent été associée notamment dans les années 90 au fanatisme et au hooliganisme, elle est reconnue comme la meilleure tribune de Pologne. Et probablement comme la meilleure tribune d’Europe.
La qualité de l’amour porté à l’équipe par les supporters, les nombreux tifos – dont nous reparlerons juste en dessous – et les chants variés font le charme de la tribune. La żyleta est véritablement un douzième homme lorsque le Legia joue. Et chez le champion de Pologne en titre, les joueurs savent reconnaître l’importance de la tribune. On a vu nombre d’anciens joueurs, comme par exemple Maciej Rybus, remercier plusieurs années après la tribune. Mais arrêtons un instant de faire l’éloge de la tribune pour nous attarder sur quelques tifos récents et splendides effectués par la żyleta.
Le feu de la żyleta
Les tifos que je vais présenter ci-dessous ont entre quelques mois et un an. Il ne sont qu’un mince échantillon de ce que le virage produit, parfois en collaboration avec tout le stade. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir plusieurs de ces animations se succéder au cours d’un même match. De quoi donner des idées aux responsables des tifos au PSG.
On commence ici avec un tifo très classique. Le virage dont nous dressons ici l’éloge se trouve à gauche. L’inscription « Nie Podawaj Sie » signifie « N’abandonnez pas ». Il a été réalisé l’an passé, à quelques journées de la fin du championnat, alors que le Legia était en tête du classement et était tout proche de renouer avec le titre de champion.
Réalisé peu de temps après – dans le même match-, ce tifo est illuminé par des fumigènes en dessous de la bâche. Il signifie : « Nos objectifs sont élevés ». Et alors que le Legia n’est pas encore champion, il exhorte le club qui a vu passer Kazimierz Deyna à soulever la coupe du « Champion de Pologne 2017 ».
Celui-ci a été réalisé l’an passé, pour le premier du match du club en Ligue des Champions depuis des années. Étant écrit en anglais, il se passe de traduction. Vous noterez le jeu de fumigènes afin de renforcer l’effet produit.
« Varsovie, la ville qui a survécu à sa propre mort ». Ce message très puissant rappelle les exactions qu’ont commis les nazis, qui ont détruit totalement la ville, considérant les polonais comme des « sous-hommes ». Vous allez le voir avec celui-ci dessous, le cinquième et dernier, la żyleta apprécie les thèmes historiques. Il a lui aussi été réalisé la saison passée, au cours d’un match de championnat.
Celui-là est mon favori, car il représente beaucoup de choses pour la Pologne. A la fois la souffrance polonaise durant la seconde guerre mondiale – cacher un juif signifiait la mort de tous les habitants de l’immeuble, en France, seule celle du chef de famille en général -, à la fois l’art du tifo parfaitement maîtrisé, et à la fois les thèmes historiques dont aime faire preuve la żyleta. L’insurrection de Varsovie de 1944 a été la seule véritable révolte d’une ville contre les nazis au cours de la guerre. Et les nazis l’ont réprimée dans le sang, après avoir bien failli fléchir. D’où ce message : « Durant l’insurrection de Varsvoie, les allemands ont tués 160 000 personnes. Des milliers d’entre eux étaient des enfants ».