Comme il y a eu un premier Ronaldo avant Cristiano, il y a eu un premier Luis Suarez avant le numéro 9 du Barça. Alors que nous vous parlions dimanche de ce qui fut un des plus gros transferts de son époque, retour sur la carrière de celui que Di Stefano nommait « le grand architecte ».
Luis Suarez, l’enfant de la Corogne
L’histoire de Luis Suarez, premier du nom, est intimement liée à celle de la Corogne. Né le 2 mai 1935 dans cette ville espagnole, il a tout de suite un fort attachement à sa ville natale. Lui qui est fils d’un boucher-charcutier expliquera avoir rêvé toute son enfance de porter le maillot du Deportivo. Cela sera chose faite en 1951, quand il est recruté par l’équipe réserve du club. Et ses grands débuts se feront le 6 décembre 1953 face à un autre club qui allait marquer sa carrière, le FC Barcelone.
Mais avant cela, celui qu’on appelle aujourd’hui souvent Luis Suarez Miramontes, pour le différencier du natif de Salto, a le temps de faire ses gammes en tant que milieu gauche. Il impressionne par sa classe et sa vision du jeu. Surtout, sa capacité à faire la différence détonne. En effet, il marque et passe plus souvent qu’à son tour. Et ce tout en gardant un jeu fluide et simple. Un jeu qui va d’ailleurs taper dans l’œil des dirigeants du Barça. Après seulement 45 apparitions pour 24 réalisations sous le maillot de sa ville natale.
L’ascension est phénoménale. Et lui-même avouera plus tard ne pas l’avoir vue venir. Ses mots sons sans doute les plus précis pour décrire cette montée fulgurante au sommet.
À cette époque, il n’y avait pas tous les jeux vidéo ou même les matchs retransmis en direct à la télévision. Pourtant, on savait bien que le Barça était un club différent des autres. Quand le Barça venait jouer à La Corogne et que j’étais jeune, je venais demander des autographes aux joueurs… En six mois, j’étais de l’autre côté. C’était vraiment une chose incroyable pour moi.
Luis Suarez, pépite du Barça
Luis Suarez signe donc sans difficulté au FC Barcelone en 1954. A l’époque, on ne parle pas encore de gros transferts ni de gros sous. Malgré les 100 000£ dépensées. Il est simplement un joueur attiré d’un petit club vers un cador. D’ailleurs, ce n’est pas lui la star, mais Laszlo Kubala, international tchécoslovaque puis hongrois puis espagnol. Lui-même se retrouve très honoré de jouer avec un tel joueur. Pas non plus réellement de mercato à l’époque non plus, ce qui le fait débuter avec le Barça en mai 1954. Il lui faudra tout de même attendre près de six mois, pour, en décembre, inscrire sa première réalisation sous le maillot azulgrana.
Son passage au Barça sera couronné de succès. Car outre ses 129 buts en 243 rencontres, il remporte, en 1960, le ballon d’or. Un ballon d’or, qui, s’il est déjà très prestigieux, est beaucoup moins médiatisé qu’aujourd’hui.
Comme on ne donnait pas autant d’importance à cette récompense à l’époque, ce n’était pas aussi dingue qu’on puisse le penser. Un correspondant sur Barcelone m’avait expliqué en toute discrétion que le club allait être prévenu et que j’allais gagner. Le directeur de L’Équipe est effectivement venu à Barcelone pour voir un de mes matchs de Liga, puis il est descendu des tribunes à la fin du match pour me remettre le Ballon d’or. Et voilà, c’était fini ! C’était un trophée important, mais comme la médiatisation n’était pas la même, on avait l’impression que cela était un trophée comme un autre, après un match de football… Par la suite, le Ballon d’or a gagné de l’importance grâce à la publicité. Mais là, c’était une remise tout à fait normale. Pourtant, c’est vrai que cela reste beau : quand tu es élu meilleur joueur européen de l’année, ce n’est pas rien.
Gallego de Oro
Le Gallego de Oro, après cette distinction, évolue dans une des plus belles équipes du championnat, qui remporte à plusieurs reprises le championnat espagnol. Et ce devant le Real Madrid. Pourtant, malgré la présence de très grandes stars, comme Kocsis, Czibor, Kubala, Evaristo, Eulogio Martínez, ou Villaverde, Luis Suarez s’ennuie. Et il va, pour retrouver le ballon ailleurs qu’en Espagne, émigrer en Italie. Il signe donc à l’Inter de Milan en 1961, et fréquentera pendant neuf saisons le club Lombard. Critiqué à ses débuts pour ses blessures nombreuses, il fait vite taire les détracteurs. Ses 183 buts en 318 apparitions sont une belle marque de passage dans un club des plus importants d’Italie.
Il finira, de 1970 à 1973, sa carrière à la Sampdoria de Gènes. Après trois titres de champion d’Italie et deux Coupe des Clubs Champions avec l’AC Milan, il est quelque peu éloigné de la pression de la compétition internationale à Gènes. Avec 43 buts en 76 matches, il prouve qu’il n’a pas perdu ses instincts de buteur.
L’Espagnol de 82 ans entraînera par la suite une flopée de clubs italiens (dont l’Inter) et Espagnol (dont le Deportivo la Corogne). Avec l’équipe d’Espagne, ses résultats d’entraîneur ne seront pas aussi beau que ceux de joueur (32 sélections pour 14 buts). D’ailleurs, en tant qu’entraîneur, son palmarès restera blanc comme du papier. Mais il aura malgré tout entraîné pendant 20 ans. En effet, il ne prend sa retraite qu’en 1995.
Aujourd’hui, vous pouvez le retrouver à Milan, ou alors dans les studios de Radio Barcelona. Et ne vous étonnez pas de le voir près d’un stade de foot. En effet, malgré sa retraite, celui qui fut un des premiers lauréats du ballon d’or, coéquipier de Di Stefano et des plus grands, reste fan absolu de football !