« Il en est des joueurs comme des peuples. Et l’on dit des peuples que les peuples heureux n’ont pas d’histoire ». C’est à peu de choses près ce qu’Aragon, en 1960, aurait pu écrire (*). C’est aussi ce que la carrière de José Altafini nous enseigne. Car son histoire n’est pas l’histoire de la réussite absolue. Mais elle est belle et douce. Retour, donc, sur la carrière de José Altafini.
Altafini, le plus italien des brésiliens
En 1938, le 27 août plus précisément, à Piracicaba, au Brésil, alors que des centaines de bébés voient le jour, l’un d’entre eux nous intéresse tout particulièrement. Ce bébé s’appelle José. José Altafini plus précisément. Son nom, à consonance italienne, est le fruit d’une émigration de ses grands parents, venus du nord de l’Italie. Mais à part cela, l’on sait très peu de choses de ce jeune garçon, sinon qu’il marque une attirance très prononcée pour le football. Et qu’il glane le surnom de Mazzola, en référence au prodige turinois Valentino, décédé dans la tragédie de l’avion Superga, au mois de mai 1949. Mais il est déjà mort depuis longtemps quand José Altafini, en 1954, fait ses débuts en pro. Il les fait dans la section football d’un club de rugby, le XV de Piracicaba.
Si ses performances statistiques ne sont pas impressionnantes, avec deux petits buts en trente matchs, l’attaquant impressionne physiquement. Il glane à ce moment-là un autre surnom. Ce surnom, c’est « le taureau ». Et Palmeiras, en 1955, tente le pari. En effet, le club le plus italien du Brésil recrute en cette année le plus italien des brésiliens. Si l’histoire d’amour ne débute réellement qu’en 1956, le temps de débuter avec la réserve, l’idylle sera belle. En effet, il scorera à 89 reprises, en cent-quatorze apparitions. Avant de quitter Palmeiras, en 1958, il sera repéré par le sélectionneur du Brésil. Vicente Feola lui offre en effet ses premières capes avec le maillot jaune et vert en l’an de grâce 1957.
Altafini, le plus brésilien des italiens
Lors du mondial 1958, qu’il remportera avec le Brésil, il sera titulaire au début de la compétition. Avant de devoir, à la suite de performances en demi-teinte, laisser sa place à un jeune gamin. Et le pire est que ce gamin n’a pas une bonne complicité – sur le terrain – avec José Altafini, mais préfère évoluer avec Vava en attaque. Altafini gagnera le surnom de « visage de pierre ». Ce jeune attaquant réalisera d’ailleurs un bon mondial, même s’il ne connaîtra jamais la joie d’évoluer en Europe. Ah, oui, au fait, ce jeune attaquant se nomme « Pelé ». Un inconnu total, donc.
Pendant ce temps-là, « Mazzola » décide de rejoindre l’Italie. Son club d’accueil sera le Milan AC. Et là aussi, l’histoire d’amour sera splendide. Et telle qu’il marque à 120 reprises en 205 apparitions sous le maillot lombard rouge strié de noir. De quoi attirer le regard du sélectionneur de l’Italie. A une époque où l’on change de sélection comme de chaussettes – Lazslo Kubala portera le maillot de la Tchécoslovaquie, de la Hongrie et de l’Espagne dans les années 40 et 50 -, ce retournement de veste ne dérange absolument personne.
Son parcours avec l’Italie sera tout aussi mitigé que celui avec la Seleçaõ. S’il marque dès sa première apparition, il ne scorera qu’à cinq reprises en six apparitions. A peine mieux que ses quatre buts en huit capes pour le Brésil. Surtout, il manque l’opportunité de remporter d’autres titres de champion du monde avec le Brésil. Il le confessera plus tard : « J’aurais pu être trois fois champion du monde… comme Pelé. » Mais il faut bien des joueurs pour passer à côté de leur histoire. Car les histoires les plus belles sont souvent aussi les plus désespérées.
Altafini, le plus brasilo-italien des suisses
Altafini, après avoir évolué en Italie, connaîtra un autre championnat, celui de Suisse. S’il ne portera jamais le maillot de cette sélection, il marquera malgré tout seize fois en trente-trois matchs avec le FC Chiasso entre 1976 et 1979. Et onze fois en vingt-huit rencontres lorsqu’il évoluait avec le Mendrisio Star (1979-1980).
Mais avant cela, il a remporté plusieurs Scudetti. Deux avec le Milan, avec lequel il sera meilleur buteur du championnat en 1962 et de la Ligue des Champions 1963 (14 buts !) – qu’il remportera également. Avec le Napoli, il soulèvera la Coupe des Alpes 1966. Et ses soixante et onze buts en cent-quatre-vingt matchs restent encore dans les mémoires. Il évoluera pendant sept saisons sous le maillot du club napolitain. Le temps de remporter un Scudetto en 1968, et de devenir un joueur emblématique dans le cœur des supporters.
Mais quand il signe en 1972 à la Juventus, tout le monde le pense complètement cramé. Mais ses réalisations seront importantes dans la conquête, en 1973 et 1975, du Scudetto. Il ne gagnera certes pas la coupe d’Italie, ni la Ligue des Champions à nouveau, ni même la Coupe Intercontinentale – finalistes de ces compétitions en 1973. Mais ses buts le feront rentrer dans la légende.
Au total, dans sa carrière italienne, l’attaquant d’un mètre soixante-seize, marquera 216 fois en 459 matchs de Série A italienne. Autant de buts donc que Giuseppe Meazza, qui avait eu besoin d’une centaine de matchs de moins. Il sont encore aujourd’hui tous deux quatrièmes meilleurs buteurs ex-aeco de l’histoire de la Série A italienne.
Aujourd’hui, l’Oriundo de 78 ans coule des jours heureux en Italie. Éloigné du monde du football, n’ayant jamais tenté une carrière d’entraineur professionnel.
(*) « Il en est des amants comme des peuples, et l’on dit des peuples que les peuples heureux n’ont pas d’histoire. »