L’Argentine est indubitablement un des plus grands pays de football que la planète aie porté. Et si des joueurs de génie ont été ses enfants, comme Messi ou Maradona, d’autres sont moins connus. Pour des raisons diverses et variées. Agustin Balbuena fait partie de ceux-ci. Alors que Balbuena fut un des tout bons joueurs de sa génération, il n’a jamais été parmi les plus grands. Et, logiquement mais injustement, son nom a été oublié. Rendons donc hommage à Agustin Balbuena, pour qu’il trône enfin face au soleil. Retour sur la carrière de Balbuena, où l’ombre et la lumière se sont entrecroisés plus souvent qu’à leurs tours.
Santa Fe & Agustin Balbuena : histoire d’amour
En 1945 sont nés de nombreux très grands joueurs de foot. Pour ne citer qu’eux, les allemands Gerd Müller, Franz Beckenbauer et Jupp Heinckes, le tunisien Sadok Sassi, ou l’espagnol Pirri. C’est également cette même année, le premier septembre, que naît Agustin Balbuena. Il naît à Santa Fe, en Argentine, dans une famille modeste. Son enfance se passe quasiment intégralement dans le quartier pauvre du Grande Rancho. Il connaît une enfance relativement heureuse, et, comme nombre d’argentins, se forme devant sa maison, sur les terrains vagues. Il acquiert son sens du but sur ces fameux potreros, dans des schémas tactiques bien souvent improvisés, munis d’une balle en tissu. Mais, toujours, c’est vers l’avant qu’il projette son jeu. Inlassablement, il répète les mêmes exercices afin d’être le meilleur
Son talent assez impressionnant est assez vite repéré. Il commence très jeune à jouer dans les catégories inférieures du Colon Santa Fe. La révélation se passe pour lui, lors du grand tournoi annuel de la Fédération Santafesina. Devant des milliers de hinchas, il impressionne les entraîneurs et se fait apprécier. La Ferroviaria, le Liverpool de Colon, le Sargento Cabral et San Isidro tombent sous son charme. Mais il n’oublie pas ses racines, et reste à déambuler avec le maillot du Colon Santa Fe, dans les rues de son quartier du Alto Verde. Quartier, historiquement supporter de ce club. Encore aujourd’hui, on peut l’y voir essayer de se rappeler de cette époque qui ne reviendra jamais. Et sa famille, d’ailleurs, continue d’habiter dans ce quartier qui lui a donné le gout de la vie et le gout du football.
L’humble enfant
Son enfance, en fait, a été l’enfance du sacrifice. Dans une interview donnée il y a quelques années, il se rappelait ces moments très difficiles vécus il y a plus d’un demi siècle. Sa famille est pauvre, malgré ses frères et sœurs qui, très jeunes, se mettent à travailler. Et lui aussi, malgré son talent, est obligé de travailler. Il le fait sans rechigner, sans jamais se plaindre. Pour quelques sous la semaine, il répare des « Marciana », ces vélos allemands d’origine, qui ne comportent pas de freins. Avec ces quelques sous, il aide sa famille à vivre. Il travaillera ici toute son adolescence, sans jamais pour autant abandonner sa passion du football.
En effet, avec les sous qu’il garde de côté, il n’a qu’un seul objectif. C’est de devenir plus tard, un joueur du Colon Santa Fe. Toute son enfance vibre en rouge et noir, sans pour autant jamais voire son club sacré champion. Parallèlement à cela, il continue son ascension dans les catégories de jeune du club, devenant l’attaquant remplaçant de l’équipe de jeune. Pour Santa Fe, la révélation vient lors d’un tournoi de jeune, où il joue ailier droit. Il a alors douze ans. C’est Ricardo Ràcarro, ancien ailier droit de l’équipe rojinegro, qui le prend à ce moment donné sous son aile. Et c’est aussi à cette époque qu’il acquiert son surnom du « Mencho ». Un nom, qui, ironie du sort pour quelqu’un qui ne touchait jamais à la drogue, sera repris par le parrain du cartel mexicain de Jalisco !
« Regardez bien le ballon »
En 1964, Agustin Balbuena signe enfin son premier contrat pro, avec, évidemment, son club du Colon Santa Fe. Il commence en deuxième division cette même année. Si la promotion n’est pas assurée par le club lors de sa première saison, la deuxième sera la bonne. Mais malheureusement pour lui, il ne parvient pas à combattre pour le titre. Le départ semble dès lors s’imposer pour le jeune attaquant. Après cinq saison dans l’équipe première du Colon Santa Fe, 114 matches et 22 réalisations, celui qui évolue également milieu de terrain, quitte son club de cœur. Il signe pour une saison au Rosario Central. En cette année 1970, il dispute 20 matches et inscrit un but, en tant que numéro 5 de l’équipe. Il sera vice-champion, et, par conséquent, courtisé par les plus grands clubs du pays.
C’est l’Independiente qui, en 1971, arrache la signature d’Agustin Balbuena. Le joueur d’un mètre soixante-douze s’imposera dans une des meilleures équipes de l’histoire du club. Avec le CA, en cinq saisons, il remporte quatre Copa Libertadores (de 72 à 75). En 1973, il remporte même la Coupe Intercontinentale contre la Juve de Cestmir Vycpalek. Pourtant, le championnat national n’est pas outrageusement dominé, avec un seul titre (en 1971). Mais l’histoire raconte que l’un de ses adversaires avait dit à ses coéquipiers : « regardez bien le ballon : une fois dans les pieds de Balbuena, vous ne le verrez plus ». Il scorera 41 fois en 172 apparitions sous le maillot du CA Independiente.
C’est à la même période, entre 1973 et 1974, qu’il connaît l’intégralité de ses capes avec l’équipe d’Argentine. Il sera huit fois capé, pour aucune réalisation. Il disputera, en 1974, le mondial ouest-allemand. Agustin y dispute deux rencontres, contre la Pologne et les Pays-Bas, pour deux défaites, contre deux sélections plus fortes.
Agustin Balbuena, la jambe rouillée
En 1976, il tente de connaître un nouveau défi. Dans un des cinq grands, à nouveau. C’est le Racing qui va l’accueillir. Mais cela sera un cuisant échec. En effet, il ne disputera que 19 rencontres pour 3 buts, le club évitant de justesse la relégation. Il quitte en 1976 l’Argentine pour la Colombie. Il passera une saison à Bucaramanga, mais la fin semble déjà sonner. Son expérience la saison suivante au FAS (Futbolistas Associados Santanecos) de Santa Ana, au Salvador, sera du même acabit. Il met donc tout à fait logiquement fin à sa carrière en 1978. Sans avoir pu jamais retourner au Colon Santa Fe.
Sa carrière d’entraîneur ne le conduira jamais sur des bancs de touche professionnels. Cependant, il peut se targuer d’avoir découvert Sergio Aguero. Dans son livre « Sergio Agüero – The Little Genius » , Matt et Tom Oldfield écrivent : « L’entraîneur, Augustin Balbuena, a fait de Sergio [Agüero] le capitaine. Il l’a titularisé au milieu de terrain, avec son maillot floqué de son numéro dix fétiche. Leo [le père du Kun] était là pour regarder et était très fier de voir tout le monde parler de son fils. Agüero, souvenez vous de nom », disait même plusieurs personnes ». C’est en effet sous les ordres d’Agustin Balbuena qu’Agüero s’est révélé à l’Independiente en jeunes !
Aujourd’hui, Agustin Balbuena habite aujourd’hui toujours en Argentine, non loin du stade qui l’a vu naître au football. Il coule des jours heureux, et est désormais un retraité largement septuagénaire plein d’entrain !