Franck Béria, à 34 ans et après dix saisons au LOSC, entame une nouvelle carrière, celle de directeur adjoint du football professionnel, toujours à Lille. L’ancien défenseur a expliqué cette décision surprenante dans les colonnes de l’Equipe.
«Pourquoi avez-vous décidé de mettre fin à votre carrière de joueur cet été ?
Il y a eu un cheminement. Devenir directeur adjoint du football professionnel, c’est quelque chose qui m’a été proposé : j’ai eu une proposition en fin de saison par Luis Campos (conseiller sportif du Losc), qui m’a expliqué que, pour lui, il était hors de question que je parte et qu’il voulait m’utiliser dans un rôle qu’il estimait taillé pour moi. Il me restait encore un an de contrat et je n’avais rien qui stipulait que le club devait me trouver une reconversion. Quand je parle de cheminement, il faut aussi savoir que j’avais repris mes études à 27 ans pour obtenir un Master II en Management du sport à la fac de Lille. C’était soutenu, ça m’a plu. J’ai pu apprendre. Mais je vais être honnête : je n’ai jamais autant appris que depuis une semaine, dans mon nouveau rôle !
En quoi consiste ce rôle ?
On a une direction qui a changé, qui travaille désormais beaucoup à l’international, avec un gros réseau. Il y a notamment un gros travail à faire en cette période de mercato, donc les dirigeants voyagent beaucoup pour entretenir leurs relations… Donc Luis (Campos) avait besoin d’un bras droit, de quelqu’un sur qui il pouvait compter pour représenter la direction, pour coordonner certains services, notamment ceux afférant à l’équipe professionnelle. J’ai différentes missions : ça peut être de participer à la demande de Marc Ingla (directeur général du LOSC) ou de Luis Campos aux réunions avec la Fédération française ou la Ligue, représenter le Losc auprès des médias. Ça peut être d’ordre sportif comme accompagner l’équipe lors des déplacements et surtout être présent les soirs de match, aux entraînements. Pour moi, ce qui est le moteur, c’est l’équipe professionnelle et le staff : donc je vais les accompagner, être en relation quotidienne avec eux pour leur fournir les meilleurs conditions de performance. Après, mon profil, avec mon expérience au Losc a été un plus dans leur décision.
Le Losc ne compte plus sur plusieurs joueurs d’expérience (Mavuba, Basa, Enyeama…). Vous a-t-on forcé la main pour que mettiez fin à votre carrière de joueur ?
Non, c’est quelque chose qui s’est fait très naturellement. Ç’a été une décision qui est venue du club, je n’y avais pas pensé. Je ne ressens pas du tout de frustration. C’est vrai que les gens sont intrigués, mais c’est quelque chose que j’ai décidé. Je n’ai pas mis un terme à ma carrière parce que j’étais blessé ou parce que je ne trouvais plus de club. C’est un choix de ma part. Je n’ai pas assez de recul pour dire s’il va y avoir un manque. Mais avec l’adrénaline de toutes mes missions, je suis dans des conditions vraiment géniales pour combler ce manque de compétition.
On dit que le Losc démarre un nouveau cycle. Combien de cycles aurez-vous connu pendant vos dix ans de joueur à Lille ?
Quand on est joueur, on parle surtout des entraîneurs qu’on a eus. J’ai connu la fin de cycle de Claude Puel, la venue de Rudi Garcia avec sa progression et l’apothéose avec les titres. Il y a eu le retour de manière régulière à la Coupe d’Europe, les phases de transition aussi, avec René Girard et un projet qui, pour moi, était plus qu’intéressant puisque la première année on fait quelque chose d’exceptionnel en arrivant troisième juste derrière le Paris-SG et Monaco. J’ai connu Hervé Renard, Frédéric Antonetti, Franck Passi, Patrick Collot. Ils m’ont tous montré leur attachement au métier, au football. Il faut avoir de l’humilité et le club est la seule entité qui reste. Les joueurs, les entraîneurs ou les dirigeants, on ne fait que passer. L’institution première, c’est le club.
Justement, quand Marc Ingla dit que le club repart quasiment de zéro, souscrivez-vous ?
Marc, c’est quelqu’un d’ambitieux. Forcément, quand il parle comme ça, il regarde tout ce qui peut encore être amélioré pour aller chercher de la performance et tirer le meilleur de tout le monde. C’est à l’image de l’entraîneur (Marcelo Bielsa), c’est à l’image de la direction, c’est à l’image du président (Gérard Lopez). Ce n’est pas un manque de respect par rapport à ce qui a été fait avant, mais il faut toujours regarder vers l’avant.
Peut-on parler d’une métamorphose pour décrire ce qui se passe actuellement au Losc ?
Disons qu’à partir du moment où il y a une nouvelle direction, il y a un nouveau projet en place. C’est nouveau sur le plan sportif, dans les bureaux, dans le vestiaire, dans l’organisation. Ce qui est nouveau apporte toujours. Beaucoup d’hommes ont changé, la méthodologie a changé. Il y a un réel changement. Quand tu veux commencer un nouveau projet, il faut te donner les moyens et aller au bout des choses. Il ne faut pas non plus penser que tout va être rose, que tout va être facile. Ce que je vois aujourd’hui, c’est beaucoup d’ambition. Et l’ambition, c’est bon. Nos supporters veulent de l’ambition dans le jeu, de l’attractivité, du spectacle.
Quand on affiche autant d’ambition, il y aussi le risque de décevoir…
On ne pourra jamais satisfaire tout le monde, mais on peut se donner les moyens et vraiment croire en ce qu’on fait. Et c’est le cas aujourd’hui.
Quels changements observez-vous concernant le groupe pro, avec l’arrivée de Marcelo Bielsa ?
Des moyens ont été mis en place à la demande de l’entraîneur pour apporter un max de performance. Le mot d’ordre aujourd’hui, c’est mettre un maximum d’intensité pour que les joueurs puissent progresser. Ce n’est pas moi qui vais présenter Marcelo Bielsa.
Vous n’avez pas de regret de ne pas avoir été sous ses ordres ?
Ce qui est important, c’est être là où tu veux être. C’est mon cas. Même où je suis, j’apprends beaucoup, de tout le monde.
Avez-vous pu échanger avec lui ?
C’est quelqu’un qui vit football, qui pense football. Pour moi, c’est une qualité qui ne s’achète pas.»