Football Leaks : Ce que cela révèle de notre société. Football Leaks est un grand scandale, qui a meurtri le football et qui ne cesse de se développer. Les plus grands sont touchés, entraîneurs ou joueurs. Mais plus globalement, cela révèle quelque chose de notre société, de notre époque, de notre football. Cet article ne se veut pas moralisateur, il ne se veut que triste constat des dérives de l’argent.
« L’argent ne coûte rien »
« L’argent ne coûte rien » disait Maurice Allais, prix Nobel d’économie 1988. Oui, l’argent ne coûte rien, mais les Hommes se figurent des idées à propos du prix de l’argent. Qu’est-ce que l’argent au final, si ce n’est qu’une série de feuilles de papier dans un porte-monnaie, si ce n’est qu’une valeur numérique inscrite sur un site internet, si ce n’est finalement qu’un concept, qu’une idée. Je suis fauché, je suis riche. Être pauvre, ce n’est pas ne pas avoir d’argent, c’est ne pas en avoir suffisamment pour subvenir à ses désirs. Mais, disaient les épicuriens, et plus encore les stoïciens, à la suite de Zénon de Cithium, d’Epicure, de Marc-Aurèle, de Sénèque et de tant d’autres, le désir se doit d’être éradiqué.
L’ataraxie, l’aponie, c’est l’absence de troubles moraux et corporels, absence de troubles de l’âme, c’est le Nirvaña bouddhiste, c’est un idéal qui passe par la suppression de tous les désirs. Mais le désir pousse au vice par la brièveté, où encore pire à la perversion. C’est un danger que ces deux dérives majeures du désir livré à lui-même. Le vice est un penchant vers le mauvais, une disposition au mal.
Entre consumérisme social et désir inextinguible
Or, les voitures de Ronaldo, les montres de Mourinho, les tatouages des footballeurs, qu’est-ce sinon la perversion d’un désir qui dégénère. Mais surtout, c’est une société que le football qui est dans la foulée de la perversion capitaliste, dans la suite directe de notre société de consommation, c’est le triomphe du consumérisme à l’extrême que Football Leaks révèle. Le consumérisme, c’est le capitalisme, c’est l’exploitation de l’Homme par l’Homme si l’on s’en réfère au grand Karl Marx.
Le désir, par nature inextinguible, est en attente de valeurs, de sens absolu, autres que ce qui satisfait le corps, c’est-à-dire l’argent. Et la valeur est un principe absolu qui donne sens, signification et direction à nos actes. La valeur est mobilisation, créatrice de sens : c’est le Bien, le Beau, le Vrai, l’idéal platonicien. Le désir platonicien, qui est l’élévation, l’assomption de l’être. Plutôt que de désirer l’argent, chose que nous voyons beaucoup trop dans notre société, il faut désirer le bonheur ; préférer le cosmos (le tout) à soi (la partie) pour atteindre le bonheur ; c’est donc payer ses impôts, c’est aussi s’engager à fond dans des mesures de justice sociale à l’encontre du consumérisme.
« Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide »
Cette splendide citation est l’œuvre du gigantesque Albert Camus. Et Camus adorait le football… Mais plus que cela, un message nous est transmis ! Car il faut agir face à ce consumérisme social ; c’est le rôle de l’Etat, de tuer dans l’œuf l’évasion fiscale, du football d’arrêter la compétition entre les différents pays, et du rôle de chacun. C’est en effet qu’il faut vivre selon sa conscience et non selon les lois. Ce qui est légal n’est pas forcément moral, et inversement. Benzema paye ses impôts en France, par attachement, bien que les impôts y soient plus élevés, Odegaard refuse les montages financiers par respect pour la valeur de l’argent sans doute. Ce sont des exemples. Les privilégiés qui fournissent l’opium du peuple se doivent d’être exemplaire, car ce sont eux que nos jeunes de demain verront sur les terrains de football. Philosophie et sport ne font parfois pas bon ménage.